CRÉPUSCULE Par Juan Branco

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Un extrait du Crepuscule par Juan Branco.
Le pays entre en des convulsions diverses où la haine et la vio-
lence ont pris pied. Cette enquête sur les ressorts intimes du pou-
voir macroniste, écrit..

.... Les hostilités sont lancées via la publication de l’ouvrage Mimi,
chez Grasset. Explosant les opaques frontières jusqu’ici dessi-
nées au nom de l’intimité par une presse compromise et domi-
née, le texte, œuvre de deux journalistes d’investigation et
d’une romancière, met en lumière, à la rentrée 2018, l’une des
principales pièces de la « fabrique du consentement » qui a per-
mis la victoire d’Emmanuel Macron, à travers un matraquage
inédit, quasi-physique, qui fut imposé par une certaine caste
aux Français.
L’enquête expose la figure de Michèle Marchand, pièce centrale
d’une immense entreprise de communication qui fut mise en
place avec l’aide d’un milliardaire, un certain Xavier Niel, dans
le but de faire connaître et adouber par le peuple français un
inconnu absolu qui venait d’être coopté par les élites pari-
siennes, pur produit du système transformé en quelques mois
en icône adulée par les rédactions de Gala, VSD, Paris Match et
de quelques autres magazines mobilisés avec soin.
Un être dont la notoriété, égale en nature à celles des célébrités
de télé-réalité, ne pouvait, par ce dispositif, que s’effondrer.
*
Ce que l’ouvrage raconte, c’est la seconde étape de la prise du
pouvoir de Macron, suivant celle qui lui avait permis de se faire
adopter par une oligarchie parisienne que nous allons mainte-
nant exposer.
Ce que l’ouvrage révèle, mais révèle mal, c’est à quel point les
réseaux les plus putrides de la France la plus rance sont en lien
avec ces puissants qui se gargarisent d’une élégante morale et
de valeurs bienséantes.
Étrangement tenue à l’écart de bien des télévisions et médias,
l’enquête menée par Jean-Michel Décugis, Pauline Guena et
Marc Leplongeon nous révèle comment un ancien proxénète
devenu milliardaire puis oligarque, un certain Xavier Niel, avait
rencontré à l’orée des années deux-mille une femme du milieu,

Michèle Marchand, emprisonnée notamment pour trafic de
drogues, et avait décidé de s’allier à elle pour en faire un rouage
dans son ascension fulgurante vers les plus grandes fortunes
de France.
Première étrangeté que le texte révélait : cette « Mimi » Mar-
chand avait été rencontrée par Xavier Niel grâce aux réseaux
qu’il avait cultivés lors de son passage en prison. Si l’une fut in-
carcérée à Fresnes et l’autre dans la cellule VIP de la Santé
il fut protégé par le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke,
qui se dirait plus tard fasciné par le personnage, comme il
l’avait été par bien des puissants, lui épargnant par ses réquisi-
tions une trop longue incarcération l’ouvrage nous apprend
que leur avocate fut commune et les présenta mutuellement.
Rappelons que Xavier Niel est aujourd’hui détenteur des plus
importants médias de notre pays, et qu’il a placé à leur tête un
homme de main, Louis Dreyfus, chargé non pas de censurer ou
de faire dire directement, mais de recruter et de licencier, pro-
mouvoir et sanctionner. Ce qui nous le verrons, est bien plus
important.
Ce premier étonnement ne saurait suffire. En effet, les mœurs
irrégulières des plus riches de notre pays ne font plus scandale
depuis qu’ils se sont pris de caprice d’être aimés, et ont com-
mencé pour cela à racheter l’ensemble des médias du pays
moins de dix d’entre eux possède 90% de la presse écrite, rap-
pelons-le pour contrôler leur image, ou comme le dit M. Niel,
pour « ne pas être emmerdé ». Et si Xavier Niel s’est recouvert
de quelques noirceurs auxquelles échappent la plupart de ses
congénères, sous forme d’enveloppes ayant alimenté un réseau
de prostitution dont il dirait ne rien avoir su, l’on sait depuis
bien longtemps que les fortunes sont plus souvent le fruit de
putréfactions cadavériques que d’actes qualifiant aux béatifica-
tions.

Mimi ne s’en tient cependant pas là et « révèle » un élément
quelques peu gênant pour les apparences bienséantes de notre
élite. Apparences dont on rappellera l’importance : nos domi-
nants sont considérés comme légitimes en ce qu’ils prétendent
donner le la. Leur exemplarité qu’elle soit morale, intellec-
tuelle ou performative légitime les privilèges qui leurs sont
accordés, et apparaît comme la clef du pouvoir que la société
leur attribue. Si cet imperium venait à s’effondrer, ce serait tout
l’édifice qui par ricochet tomberait.
Voilà donc l’élément révélé par l’ouvrage Mimi et que, par pu-
deur, le petit Paris n’osait point faire connaître jusque là au
reste du pays, y compris le plus grand journal de France, Le
Monde, ce grand quotidien qui se targue pourtant d’une indé-
pendance à toute épreuve.
Cet élément est le suivant, et se décompose en deux temps : Xa-
vier Niel et Emmanuel Macron sont amis longue date, et le pre-
mier a mobilisé sa fortune et son réseau pour faire élire le se-
cond alors que celui-ci était encore un parfait inconnu. Que Xa-
vier Niel soit le propriétaire du groupe Le Monde, mais aussi de
l’Obs et possède des participations minoritaires dans la quasi-
totalité des médias français n’étant pas détenus par un autre
oligarque, y compris Mediapart, n’est probablement pour rien
dans le fait que nos journalistes, fort pudiques, n’aient jamais
révélé leurs liens, et a fortiori que ces liens auraient nourri la
mise à disposition de certaines de ses ressources au service de
M. Macron, qui auraient dû être comptabilisés en argent comp-
tant. Pourtant, cette mise à disposition remonterait a minima à
l’orée des années 2010. Soit entre trois à six ans avant l’élection
de M. Macron.
L’élément n’est pas anodin. Outre l’évidente infraction au code
électoral et aux réglementations sur les frais de campagne
qu’implique la mise à disposition des moyens d’un milliardaire
à un candidat sans déclaration quelconque, rappelons que la
fortune de Xavier Niel est directement dépendante des déci-

sions de nos gouvernants il suffirait à l’État de retirer les li-
cences téléphoniques octroyées à Free pour que sa fortune s’ef-
fondre immédiatement. Sa dépendance à l’égard du pouvoir
politique, immense, est d’ailleurs telle que François Fillon au-
rait décidé de l’octroi d’une licence téléphonique à Free fai-
sant exploser la capitalisation boursière de Free, dont M. Niel
est propriétaire à plus de 50% encore dans le seul but d’« em-
merder » Nicolas Sarkozy (décidément).
En effet M. Sarkozy détestait M. Niel, qui le lui rendait bien,
l’amitié que le premier vouait à Martin Bouygues, qui voyait
son empire trembler du fait du second, n’y étant pas pour rien.
M. Fillon, dans sa guerre larvée à l’encontre de celui qui l’avait
nommé, avait trouvé là matière à vengeance, et peut-être, à
faire trembler l’un des appuis de celui qu’il trahirait.
*
L’on comprend bien l’importance qu’a pour M. Niel de plaire
aux élites politiques et technocratiques de notre pays, et dès
lors, de se constituer en oligarque en investissant dans la
presse afin de s’assurer que ces hommes politiques lui prêtent
une influence sur laquelle il pourra jouer exactement comme
le fait son adversaire M. Bouygues avec le 20H de TF1, y invi-
tant les dirigeants de notre pays selon leur capacité à servir ses
intérêts5.
M. Niel prend de fait un infini plaisir à déjeuner avec tout jeune
intrigant qui lui montrerait son intérêt, pour peu qu’il soit
passé par l’une de ces fabriques à élite qui vous garantissent un
destin doré Polytechnique, l’Ecole Normale supérieure ou en-
core l’ENA6. Il invite et toise alors ces camarades de cordée 7 en
un restaurant proche de la Madeleine, leur fait tout un numéro
visant à leur donner l’impression qu’ils pourraient s’allier, et
5 https://fr.news.yahoo.com/xavier-niel-free-accuse-bouygues-faire-lobbying-grâce-133915069.html
6 Ce fut notre cas, en janvier 2014, date à laquelle il nous annonça qu’un jeune secrétaire général adjoint de
la République deviendrait Président.
7 car oui, M. Niel, contrairement à ce que raconte une légende fabriquée avec l’aide de Mimi, est bien
participe de ce système, en bon héritier d’une bourgeoisie confortable qui le fit inscrire en l’une de ces
classes préparatoires d’élite scientifique, distorsions de l’école républicaine qui sacrent et consacrent les
plus jeunes héritiers de notre pays

s’assure du maintien de liens cordiaux qui par la suite il n’hési-
tera pas à mobiliser. Ainsi, plusieurs centaines de haut-fonc-
tionnaires ont été déjà curieusement influencés, à l’heure où ces
lignes sont écrites, en une période où la chair est encore tendre,
et les idées mal formées.
Tout cela est su et connu par quiconque participe à ce lander-
neau politico-médiatique qu’est le petit Paris. L’on s’étonne dès
lors qu’il ait fallu attendre septembre 2018 pour que les liens
entre l’un des plus importants oligarques de notre pays et son
Président aient été révélés. Non pas seulement en ce qu’ils
étaient à connaître pour contrôler les éventuels conflits d’inté-
rêts et interventions dans l’espace démocratique que M. Niel
aurait pu mettre en œuvre, mais aussi en ce qu’ils auraient per-
mis de lever un voile sur l’immaculée conception qui fit miracle
lors de l’élection de Macron. Aurait-on identiquement voté, si
l’on avait su que ce jeune admirable, touché par la grâce et sorti
de nulle part par la seule force de son talent, était en fait pro-
pulsé par l’un des hommes les plus puissants et les plus in-
fluents de France, dont on se doute qu’il n’agissait pas sans in-
térêts, avant même qu’il ne fut aux Français présenté ?
*
Bien sûr que non. Et pourtant, alors que l’affaire était sue, l’on
s’est tu. Personne n’a moufté. Il aura fallu attendre qu’au détour
d’un ouvrage où il n’est affaire de l’un et de l’autre qu’en deux
petits chapitres, un an et demi après cette élection et quatre ans
au moins après leur première rencontre, pour que l’informa-
tion soit révélée et reprise, discrètement et sans commen-
taires, par une journaliste du Monde pourtant bien au fait de
ces affaires, une certaine Raphaëlle Bacqué.
L’on s’étonne d’autant plus que c’est bien chez Xavier Niel, au
sein de la très vantée Station F construite à Paris avec l’appui
de la maire de Paris, Anne Hidalgo, auprès de qui Xavier Niel a
introduit son missi dominici Jean-Louis Missika, compagnon de
route de Free depuis la première heure et nommé opportuné-
ment premier adjoint d’une Maire dont le second adjoint, Chris-
tophe Girard, est parallèlement employé d’un autre oligarque

Bernard Arnault, dont nous reparlerons ; c’est donc au sein
de cette très vantée Station F construite à l’aide de la puissance
publique et pourtant toute dédiée à la gloire de Xavier Niel
qu’Emmanuel Macron a été accueilli à plusieurs reprises et a
même parlé de ces « riens » que l’on croiserait dans les gares,
ces citoyens réduits, contrairement à lui et à ses acolytes, à
prendre RER et métro.
Le citoyen mal-informé avait pu penser qu’il s’était agi, en ces
multiples visites et monstrations d’affection et de soutien que
M. Niel et M. Macron avaient échangé, en des lieux qui, de
l’école 42 à la Station F, semblaient avoir pour objectif de servir
le bien commun et non leur influence et réputation, d’un pur et
bienheureux hasard. Mais les journalistes, alors même que M.
Niel se vantait dans le tout Paris d’aimer et chercher à faire
élire, puis soutenir son ami ? Alors même qu’ils étaient au cou-
rant de l’appui que la puissance publique avait donné à la mise
en oeuvre de ces plateformes, qu’ils voyaient bien les difficultés
que pouvaient causer l’organisation de ces simili-meetings, dé-
monstrations de force hyper-contrôlées mises en scène avec
une apparence d’insouciance pour moderniser l’image de M.
Macron, donner l’impression qu’il était l’incarnation du nou-
veau, susciter par là-même la confiance de ses congénères les
plus inquiets de ces révolutions qui en inquiètent tant ?
*
N’en restons pas là, bien que le fait seul que cet élément soit
tout ce temps resté masqué suffise à interroger l’intégrité de
notre espace médiatique et la santé démocratique de notre
pays. Car il se trouve que nos confrères s’aventurent quelque
peu plus loin. Ils ne se contentent en effet pas, l’air de rien, de
nous apprendre que deux êtres liés par la pègre et restés
proche de celle-ci se sont alliés pour faire élire un inconnu à la
Présidence de la République, mobilisant fortune et réseaux
pour le faire connaître et l’imposer aux Français, dans l’idée
qu’il serve leurs intérêts.

Nous découvrons aussi, par pointillismes successifs, les moda-
lités par lesquelles Xavier Niel est intervenu au cœur de notre
espace démocratique pour faire connaître, et par la suite élire,
son protégé. Ainsi apprend-on dans l’ouvrage que c’est Xavier
Niel qui a offert à Michèle Marchand de s’occuper de l’image
d’Emmanuel Macron et de sa femme, lors d’une rencontre or-
ganisée en son hôtel particulier avec cette dernière.
Cet hôtel particulier où se déroula cette rencontre cruciale,
n’est rien de moins qu’une réplique marbrée du Grand Trianon.
Mimi Marchand, la reine de la presse people, condamnée pour
trafic de drogues elle fut interpelée conduisant un camion
doté de 500 kilogrammes de haschisch s’est fait prendre en
photo dans le bureau de M. Macron en juillet 2017.
Celle qui n’hésite pas à exposer l’intimité des gens pour les in-
timider et à utiliser ses sources pour détruire sur commande
tel ou tel individu, a été la personne en charge d’introniser M.
Macron auprès des Français. Mimi Marchand, ou la marchande
de secrets ayant fait les beaux jours de la presse people depuis
vingt ans, capable de faire taire une information, fut-elle d’in-
térêt public, en quelques instants, de montrer et d’exposer des
corps nus pour les humilier ou les consacrer.
Pour peu qu’on la paye bien.
Mimi Marchand et ses jours de prison, ses réseaux dans la ma-
fia et la police, ses hommes de main et paparazzi, ses menaces
et ses violences, ses enveloppes d’argent liquide qui en ont
achevé plus d’un, est une très proche d’Emmanuel et de Brigitte
Macron.
Et cette même Michèle Marchand a été présentée à Brigitte Ma-
cron-Trogneux par son « ami » Xavier Niel, dans son hôtel par-
ticulier, afin de faire taire une information, et de transformer
Emmanuel Macron, alors illustre inconnu, riche banquier ayant
utilisé les réseaux de l’Etat pour faire sa fortune, s’interrogeant


sur son avenir, le transformer en un gendre idéal, et susciter
une sympathie que rien dans son parcours ne faisait naître.
L’opération, à en croire les auteurs de l’ouvrage, a été un suc-
cès, puisqu’elle aurait été directement à l’origine des - pas
moins de - 29 unes dithyrambiques que Paris Match et
quelques autres ont octroyé à Emmanuel Macron et sa femme
en quelques mois.
Vingt-neuf unes.
*
Mais comment un seul individu, une femme comme Mimi Mar-
chand aurait-elle pu, seule, ou avec l’appui d’un seul milliar-
daire, provoquer une telle conversion ? Cela semble trop gros.
Et cela l’est. Il se trouve en effet que nous commençons à recou-
per les choses et les non-dits qui habitent ces enquêtes. Le pro-
priétaire de Paris Match, Arnaud Lagardère, dont les auteurs
disent que Mimi Marchand est la véritable directrice de la ré-
daction, a par ailleurs été client d’Emmanuel Macron pendant
sa période à Rothschild, ce qui n’est pas dit dans l’ouvrage. Il se
trouve, comme l’a raconté Vanity Fair, que l’homme de main de
M. Lagardère dans les médias, un certain Ramzy Khiroun, fut
mis à disposition de M. Macron par Arnaud Lagardère dès sa
nomination en tant que ministre de l’économie, pour s’occuper
de sa communication. Et que c’est donc l’alliance de Mimi Mar-
chand et de Ramzy Khiroun, de Niel et de Lagardère, qui a per-
mis la mise en œuvre de cette opération de communication.
M. Lagardère est l’héritier d’un immense empire que par sa mé-

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